Production : Agence Bipolar / Partenaires : Métropole de Montpellier et Office Français de la Biodiversité / Équipe : Pascal Ferren / Dates : septembre 2022 – décembre 2023
Invité par l’agence de production Bipolar, et dans la lignée d’autres expériences menées récemment avec le Lichen, Pascal Ferren conçoit, écrit et développe une démarche de design-fiction originale pour explorer les différentes manières d’administrer un bassin versant en considérant ses intérêts propres et ses perspectives…
Reprendre contact
A l’été 2022, la Métropole de Montpellier a reçu une étrange lettre signée « au nom du Lez ». Celle-ci fait état d’une crise relationnelle entre le fleuve côtier qui abreuve Montpellier et ses composantes humaines : les citoyennes et les citoyens de la métropole. Le fleuve et les humain.e.s auraient perdu contact et les bouleversements climatiques et écologiques que nous traversons ne seraient, en quelque sorte, qu’un phénomène de cette déconnexion profonde. Le fleuve exhorte alors à une reprise de contact, réelle, immédiate, au corps, afin de changer profondément de type de relation et, in fine, de lutter ensemble pour un avenir possible et souhaitable. Un avenir où les intérêts humains s’inséreraient dans les intérêts, plus globaux, du vivant et de ses multiples formes autres qu’humaines. Il fallait agir.
Concevoir un parcours apprenant pour un comité de citoyen.ne.s en négociation
Pour la Métropole, avec Bipolar, nous avons enquêté, entendu des scientifiques, des penseurs, des pécheurs et décidé, de réunir un comité de 25 citoyen.ne.s attaché.e.s au fleuve pour entrer en négociation avec lui. Nous avons réalisé ensemble, entre avril et novembre 2023, un parcours d’apprentissage du fleuve : du plus technique au plus sensible.
Nous avons entendu ce qui existait ailleurs, les mouvements citoyens et terrestres qui s’élevaient en Nouvelle-Zélande, en Colombie, en Inde, et plus près de nous, en Espagne autour de la Mar Menor, en France autour de la Loire, du Rhône, de la Garonne, du Tavignanu, de la Têt, de la Durance, de l’Arc, de l’Huveaune, etc.
Nous avons parcouru le Lez, en kayak, en s’y plongeant, à vélo, à pied, ensemble, toujours. Nous avons entendu des scientifiques, des écologues, des géologues, des sociologues, des géographes qui étudient notre bassin-versant. Nous avons visité, senti, ressenti le fleuve, ses couleurs, ses formes, ses odeurs, ses textures, ses souffrances, ses joies, ses espoirs, de la station de pompage de la source, jusqu’à la mer, en passant par le Lez vert, la Valette, les seuils et moulins, la séquence urbaine, Antigone, Port Marianne, les étangs, Palavas, etc. Nous avons cultivé nos sensibilités pour tendre mieux l’oreille au fleuve, pour l’entendre, lui, ce qu’il fait, ce qu’il décide, ce qu’il ressent. Nous avons même essayé, parfois, de le remercier pour tout ce qu’il fait et tout ce qu’il est, pour nous.
Nous avons tenté de pénétrer la langue et les systèmes de gouvernance du fleuve. Nous avons rencontré des élu.e.s, des chercheurs encore, étudié des schémas, regardé un SAGE, etc. Nous avons soumis des hypothèses et entendu des réponses. Nous avons affiné notre compréhension, au ventre et à la tête, de ce qui pourrait peut-être avancer.
Vers une administration sensible ?
Au terme de ce parcours, nous nous sommes transformé.e.s. Nous avons considéré que le Lez avait des intérêts propres, convergents ou non avec les nôtres et qu’il était bon de les identifier et de les faire valoir. Nous avons considéré qu’il était, d’une certaine manière, une personne, qu’il décidait et qu’il faisait, qu’il agissait et transformait le monde.
Le Lez nous a fait gouté à la possibilité d’une écologie qui contourne les oppositions canoniques entre patrimoine et milieux de vie, d’une écologie relationnelle qui s’intéresse aux liens et aux interdépendances entre les vivants, d’une écologie du sensible, éminemment partageable et démocratique (ne sommes-nous pas tous et toutes des êtres sensibles ?). Nous avons cru que cette écologie pourrait avoir, avec vous, un avenir politique. Pour cela, nous avons des idées, des pistes, des envies, des suggestions et nous aimerions vous en faire part. Elles sont partielles et partiales. Bonnes ou mauvaises. Mais elles visent toutes l’inscription d’un travail sensible dans les systèmes administratifs pour une prise en compte des intérêts propres du fleuve et de ses composantes.
Nous avons compilé ces retours dans un cahier de recommandations pour la restauration des relations entre le Lez et ses composantes humaines à destinations de celles et ceux qui accompagnent ou prennent des décisions affectant le Lez.
> Toutes les informations sur la démarche sur le site de l’Agence BIPOLAR
> Toutes les gazettes relatant l’expérience disponible ici
> Cahier de recommandations citoyennes pour la restauration des relations entre le Lez et ses composantes humaines à télécharger ici.